http://www.senat.fr/questions/base/2020/qSEQ20071429G.html
Question d'actualité au gouvernement n° 1429G de M. Yves Daudigny (sénateur de l’Aisne)
Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
″La situation de la psychiatrie en France est passée de grave à catastrophique″ titre une récente tribune de presse, dénonçant la pression financière à l'exclusion de toute autre vision maintenue sur ce secteur.
Dans le contexte présent – suppression des deux tiers de lits en psychiatrie, insuffisance des accueils alternatifs et des équipes mobiles, financement sans lien avec les besoins locaux, accès difficile aux centres médico-psychologiques, 20 % des postes du secteur public non pourvus, pédopsychiatrie sinistrée, disparités territoriales extrêmes –, la vague psychiatrique liée au covid-19 est en train de monter et pourrait déferler, à la rentrée, sur un système à bout de souffle.
″L'après-covid sera psychiatrique″ affirme la professeure Marion Leboyer.
Pendant le confinement, les pertes de suivi, les ruptures de traitement ont concerné 10 % des malades. Faute de moyens humains suffisants, ont été mises en œuvre des privations de liberté injustifiées sur le plan médical et illégales, dans des conditions indignes pour les malades.
Mme Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, attire l'attention sur la question des droits des patients, sur l'enfermement de plus en plus important des malades mentaux. Elle s'interroge sur les nouvelles règles des hospitalisations sans consentement, sur l'utilisation abusive de l'isolement et de la contention.
Monsieur le ministre, avez-vous la volonté politique de donner à la psychiatrie et à la santé mentale, dans notre pays, toute leur place en termes de qualité et en réponse aux besoins de la population ?
Réponse du Ministère des solidarités et de la santé publiée dans le JO Sénat du 17/07/2020 p. 6420
La question que vous soulevez à propos d'un risque de vague psychiatrique est tout à fait juste, et j'ai déjà pu y répondre à d'autres occasions.
Le traumatisme psychologique qu'ont suscité, pour l'ensemble de la population, le confinement, la peur de tomber malade, la perte d'êtres chers que l'on ne pouvait même pas enterrer en famille est important, sans doute considérable. Il faut donc entamer, au plus vite, un travail de résilience collective avec les Français.
Pendant toute la période de crise épidémique, des soutiens psychologiques ont été mis en place par des associations et des professionnels du secteur sanitaire et médico-social, y compris, d'ailleurs, à destination des soignants eux-mêmes, qui ont été soumis à un stress épouvantable, semaine après semaine, mois après mois.
Vous évoquez, monsieur le sénateur, des abus dans le secteur de la psychiatrie, abus recensés dans un rapport de Mme Adeline Hazan. Je ne voudrais pas que vous gardiez cette image de la gestion de la crise du covid par le milieu de la psychiatrie. Celui-ci a fait face avec une dignité et un professionnalisme à toute épreuve.
Quand vous devez expliquer à des patients en état de délire qu'il y a un virus, une agression invisible, quand vous devez isoler des personnes en pleine période de confinement, c'est extrêmement difficile. Pourtant, le secteur de la psychiatrie a tenu !
Ce secteur, monsieur le sénateur, je le chéris tout comme vous. C'est pourquoi, parmi les 15 000 postes annoncés par le Premier ministre dans le cadre du Ségur de la santé, des postes seront dédiés à la psychiatrie. Et je vous confirme ce qui a été dit l'année dernière, à savoir que, quoi qu'il arrive, l'augmentation du budget des soins de santé mentale ne pourra être inférieure à l'augmentation générale du budget de la santé. Cette mesure est en rupture avec ce qui se passait les années précédentes.
Il y a beaucoup à faire pour la psychiatrie et la pédopsychiatrie, énormément pour la santé mentale, de manière générale, dans notre pays. Croyez en ma détermination sur ce sujet !
Le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour la réplique.
Je vous remercie de vos propos, monsieur le ministre, qui me touchent particulièrement. L'engagement et le dévouement des soignants ne sont pas mis en doute, mais la psychiatrie et la santé mentale soulèvent deux enjeux. Le premier est un enjeu de santé publique, bien évidemment, avec plus de 2 millions de personnes concernées. Le second consiste à réconcilier les malades mentaux et les soignants en psychiatrie avec le pays. À mon sens, ce serait un élément constitutif d'un humanisme républicain.